Pourquoi avoir créé la branche traiteur de l’Umih (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) ?
Valérie Pons : nous voulions tout simplement défendre les spécificités de notre métier. La profession est notamment liée au plan sanitaire, à la prévention des risques et peut également s’exercer sous 7 codes APE différents. Il y a par exemple des bouchers-traiteurs, des chefs à domiciles, des traiteurs événementiels, des restaurants-traiteurs. Ils exercent soit en double activité, soit en activité totale. En fonction du registre principal de la profession, l’entreprise n’est pas forcément bien protégée, le secteur nécessitait donc un cadre juridique.
Quels sont les différentes spécificités à défendre ?
Tout d’abord, l’urgence de créer une branche qui défende nos spécificités, notamment économiques, s’est fait ressentir pendant le confinement et les crises qui ont suivi. Les restaurants étaient fermés, mais ont pu rouvrir quand les restrictions ont été levées. Les traiteurs, quant à eux, ne possèdent pas d’établissements, alors pour relancer leurs activités, il faut compter quatre mois voire même un an. Il faut qu’il rattrape les clients et ces derniers sollicitent les traiteurs pour des événements qui ont lieu souvent bien plus tard. Économiquement, travailler à N+1 ou N+2, nécessite l’application d’une clause d’imprévision.
Cela signifie que l’on amène le client à lui faire comprendre qu’un prix peut changer, sinon l’entreprise est perdante. Si vous vendez un canard à tel prix et que plusieurs mois après, son tarif triple, la différence ne permet plus à une entreprise d’être viable. Les salaires du personnel, le carburant, l’énergie, … Si on ne peut pas l’anticiper sur les devis, les traiteurs à N+1 ou N+2 travaillent à perte.
Comment se manifestera cet accompagnement ?
Nous souhaitons accompagner réglementairement et juridiquement les traiteurs. Par exemple, comme l’activité de traiteur n’est pas répertoriée dans l’objet des statuts de l’entreprise, il n’y a pas d’assurance qui couvre d’éventuels dégâts. Les chefs d’entreprises n’en sont pas forcément conscients. Comme c’est une double activité et que ce n’est pas toujours l’activité principale, ils ne se rendent pas compte que même si cela représente 10 ou 15 % du chiffre d’affaires, 100 % de toute responsabilité de l’activité seront à leur charge.
Quand a officiellement été créée la branche traiteur de l’Umih ?
La première étape de la création de l’Umih traiteur a eu lieu avec Jean-Baptiste Lemoyne, ancien ministre chargé du tourisme, et ses représentants, le 13 avril 2022. Ensuite, le syndicat a organisé des élections afin d’officialiser la création de la branche en novembre 2022, sous l’égide de Thierry Marx, président confédéral de l’Umih, lors du Congrès annuel à Brest. Le 18 janvier 2023, tous les présidents des départements se sont exprimés sous forme de vote pour, in fine, entériner la proposition officielle de Thierry Marx. Nous avons eu un scrutin favorable à 91 % de la création de la cinquième branche. Cela signifie que l’on ne parle plus du secteur CHRD mais du secteur CHRDT (café, restaurant, hôtel, discothèque, traiteur).
Nous avons assisté à notre premier directoire officiel le 11 avril 2023. Pour être légitime et démocratique, nous devons solliciter les 106 fédérations départementales afin de nommer les délégués traiteurs. Ils composeront le socle de la branche constitué de 23 membres du Conseil d’administration. Nous souhaitons mettre en place des mandats de quatre ans pour être en phase avec la dynamique démocratique de notre syndicat.
Quels sont les retours des traiteurs ? Vous sentez-vous soutenus ?
Nous avons reçu un accueil très favorable, car les entreprises prennent conscience du manque de protection qu’elles avaient. En pensant bien faire, elles n’avaient pas forcément l’ensemble de ces informations à leur disposition. Par exemple, dans le secteur événementiel, les entreprises se sont constituées comme des artisans. En conséquence, ils opèrent en toute légalité, néanmoins sur le risque assurantiel, sur le plan de maîtrise sanitaire, sur la gestion du personnel et sur la prévention des risques, ils ne savaient pas qu’ils n’étaient pas couverts correctement.
Tous les secteurs, sous quelques formes qu’ils soient, ont vocation à exister. Il n’est pas question de les mettre en compétition, mais de leur donner un filet de sécurité pour protéger les entreprises et les salariés.
Quels sont les projets à venir ?
Nous envisageons de mettre en place des formations spécifiques. À titre d’exemple, nous comptons faire en sorte que rayonne, en premier lieu, ce qui existe déjà comme la mention complémentaire traiteur en formation en CFA ou en alternance. Nous voulons développer d’autres formations spécifiques dans la logistique à l’instar de la prévention des risques de port de charge. Il y a également la mise en place de chefs de salles à prendre en compte. Ils s’occupent des implantations des événements, car ils recréent littéralement des restaurants éphémères en faisant manger des personnes assises et debout.
Cela implique aussi toute la question des responsabilités d’établissements qui reçoivent du public : lieux aux normes, responsabilité partagée, cadre réglementaire, etc. Il est indispensable au vu du nombre de manifestations qui se déroule que cela soit fait dans un cadre protégé. En somme, nous travaillons pour l’intérêt et la dynamique du métier.
>> La branche traiteur en France
En France 9.000 entreprises traiteurs sont identifiées et impliquent 100.000 emplois. Dans le Tarn-et- Garonne, 22 traiteurs sont recensés. « Désormais, l’intérêt est de faire connaître cette branche est d’aller chercher ceux qui exercent en double activité, avec des faibles proportions de chiffres d’affaires, tout en devant néanmoins couvrir 100 % de toutes responsabilités », souligne Valérie Pons.